L’évaluation du Programme national de lutte contre la tuberculose

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HAUT CONSEIL DE LA SANTÉ PUBLIQUE

Le Haut Conseil de la santé publique a rendu son rapport d’évaluation du Programme national de lutte contre la tuberculose. Sans remettre en cause la stratégie actuelle, il propose 8 mesures rectificatives destinées à améliorer la lutte antituberculeuse.

 

Les grandes lignes de ce rapport sont présentées ici.

 

En juin 2009, la Commission spécialisée évaluation, stratégie et prospective du Haut Conseil de la santé publique a été saisie d’une demande de la ministre de la Santé. La saisine était relative à la lutte contre la tuberculose, objectif n° 38 de la loi relative à la politique de santé publique du 9 juillet 2004. Elle requérait un avis sur trois points : l’appréciation des conséquences de la suspension de l’obligation vaccinale contre le BCG ; l’évaluation du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT) ; la proposition éventuelle de mesures rectificatives. Après avoir répondu que les données disponibles ne permettaient pas de remettre en cause la suspension de l’obligation vaccinale, la commission s’est engagée dans l’évaluation du PNLT.

Le contexte du Programme national de lutte contre la tuberculose 2007‑2009

  - Le contexte épidémiologique

En 2008, 5 748 cas de tuberculose maladie(1) ont été déclarés en France, dont 169 dans les départements d’outre-mer (DOM). C’est plus qu’en 2007 (5 574 cas) et qu’en 2006 (5 323 cas). Le nombre de cas déclarés par département varie considérablement, allant de moins de 10 cas dans une dizaine de départements à plus de 100 dans une douzaine, les plus gros effectifs étant observés en Seine-Saint-Denis (459) et à Paris (605).
Pour l’année 2008, le taux de déclaration a été estimé à 9 pour 100 000 habitants en France métropolitaine et pour la France entière (contre 8,8 et 8,4 respectivement en 2007 et 2006). Il est de 9,2 pour 100 000 pour les DOM (8,3 en 2007 et 8,1 en 2006). Les classes d’âge des 20-45 ans et des personnes âgées de plus de 70 ans présentent des taux de déclaration supérieurs à la moyenne.
L’évolution la plus notable est une augmentation du nombre de cas de tuberculose maladie chez les moins de 15 ans (+11,1 %) entre 2006 et 2007. Elle a été plus importante encore chez les moins de 5 ans (+22,3 %).
Enfin, certains groupes se caractérisent par des taux de déclaration élevés — les personnes âgées de 75 ans et plus — 17,5 nouveaux cas pour 100 000 (2008) ; les personnes nées à l’étranger (161 pour 100 000 pour celles qui sont originaires d’Afrique subsaharienne) ; les personnes détenues (92 pour 100 000).

  - La suspension de l’obligation vaccinale

Le 11 juillet 2007, du fait d’une incidence de la tuberculose inférieure au seuil épidémique justifiant la vaccination de l’ensemble de la population et après avis du Comité technique des vaccinations, la ministre de la Santé a décidé de lever l’obligation vaccinale des enfants par le BCG. Celle-ci reste fortement recommandée pour les populations identifiées comme étant à risque (nouveau-nés en Île-de-France et Guyane, et populations en provenance de pays à forte prévalence).

La recentralisation de certaines missions

En 2006 a eu lieu la recentralisation(2) des missions de lutte contre la tuberculose, les infections sexuellement transmissibles et les vaccinations qui sont redevenues des compétences de l’État. Les conseils généraux, auparavant en charge de ces dossiers, pouvaient choisir de les garder ou de les transférer à l’hôpital ou la direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (Ddass).

Le contenu du PNLT

En 2007, le Comité d’élaboration du PNLT a retenu 35 mesures réparties entre 6 axes prioritaires d’intervention :

- assurer un diagnostic précoce et un traitement adapté pour tous les cas de tuberculose maladie ;
- améliorer le dépistage de la tuberculose maladie et les enquêtes autour d’un cas ;
- optimiser l’approche vaccinale ;
- maintenir la résistance à un faible niveau ;
- améliorer la surveillance épidémiologique et les connaissances sur les déterminants de la tuberculose maladie ;
- améliorer le pilotage de la lutte antituberculeuse.

Le PNLT était ainsi la traduction d’une stratégie renouvelée de lutte contre la tuberculose, tant dans ses modalités — en dépistant de façon pertinente et notamment en ciblant les groupes à risque, en diagnostiquant précocement et en vaccinant les enfants à risque plutôt que de prévenir par la vaccination universelle et obligatoire —, que dans sa mise en oeuvre, en redonnant à l’État la compétence du pilotage central de la lutte antituberculeuse.

L’évaluation du PNLT

Du fait de la durée très courte du PNLT, l’évaluation a porté essentiellement sur la réalisation des actions annoncées. Elle n’a pas cherché à mesurer son impact en termes de baisse d’incidence ou de réduction des disparités entre groupes.
Pendant cinq mois, la Mission d’évaluation a dressé un inventaire des réalisations des 35 mesures prévues par le PNLT.

Les sources de données utilisées ont été :

- Des documents officiels et institutionnels, les données épidémiologiques…
- Les rapports d’activité et de performance (RAP) remplis par les centres de lutte antituberculeuse puis transmis à la DGS.
- Une enquête ad hoc réalisée par questionnaire auprès des centres de lutte antituberculeuse du réseau.
- Les propos recueillis en entretiens avec les parties prenantes.
- Les courriers adressés aux institutions en charge de la mise en oeuvre de certaines mesures.


  - L’effet programme

La principale réussite de ce programme réside dans son effet d’annonce et d’affichage. Il a permis de rendre plus légitimes les acteurs de terrain qui, forts de ce plan, ont pu faire valoir la lutte contre la tuberculose comme l’une des actions prioritaires à mener.
 
  - Des situations inégales et des déclinaisons hétérogènes

Divers obstacles se sont opposés à la mise en oeuvre complète du PNLT : l’inachèvement de la recentralisation, l’hétérogénéité de l’organisation de la lutte contre la tuberculose et l’autonomie (largement revendiquée) des acteurs de terrain.
Les centres de lutte antituberculeuse sont gérés différemment selon qu’ils dépendent d’un conseil général, d’un service hospitalier ou directement d’une direction régionale des Affaires sanitaires et sociales (Drass). Il est à noter sur ce point que la mise en place des agences régionales de santé n’a pas favorisé les contacts avec les personnes en charge de ces dossiers dans les services déconcentrés de l’État.
Quant aux priorités épidémiologiques, on sait qu’elles incitent à une intensification de la lutte au sein des populations à risque et devraient donner lieu à une allocation des ressources subtile, puisqu’il s’agit de faire beaucoup là où le besoin est grand, sans négliger totalement les zones où les groupes sont peu atteints. Mais en dépit de la dynamisation de la lutte antituberculeuse en Île-de-France, le PNLT n’a pas permis de traiter toutes les urgences, comme celle de la Guyane. De l’autre côté, il n’a pas abordé la question des centres assez démunis,car situés dans des zones à faible incidence.
Les pratiques aussi restent variables, à la fois en termes de politique vaccinale ou de conduite à tenir dans le cas des dépistages des sujets-contacts ou des infections tuberculeuses latentes, mais également concernant la fréquence de mise en oeuvre de ces actions.

  - Un pilotage et des moyens limités

La faiblesse des moyens financiers et humains du PNLT est à déplorer et elle s’est traduite par la limitation de la capacité de pilotage du programme. Bien que les personnes qui ont animé le PNLT l’aient fait avec un dynamisme reconnu, les faibles moyens mis à leur disposition et les carences du système d’information étaient trop importants.
La relation entre les Drass et les centres de lutte antituberculeuse n’a pas été assez fermement établie. L’absence de visibilité du financement des centres a réduit les possibilités d’allocation des ressources en fonction d’actions à réaliser ou de priorités épidémiologiques.
Finalement, dans ce qui a été réalisé, peu d’actions peuvent être imputées au seul PNLT. En effet, de nombreuses actions se sont inscrites dans la continuité de la lutte contre la tuberculose, sans doute encouragées par le PNLT, mais largement impulsées par les dispositifs existants et souvent réalisées sans indication du niveau national.

Les recommandations

Plus qu’un nouveau programme, c’est une consolidation des acquis de la lutte antituberculeuse qui est souhaitée par les évaluateurs. Les conclusions de la Mission d’évaluation sont présentées à partir de trois principes et de huit recommandations.

- Principe n° 1 : maintenir la stratégie actuelle de la lutte

La Mission d’évaluation préconise d’emblée de ne pas revenir sur la suspension de l’obligation vaccinale, tant que des données solides n’auront pas remis en cause l’argumentation qui en a fondé la décision. Elle propose ensuite des pistes d’amélioration de l’existant comme la promotion de la vaccination par le BCG auprès des professionnels de soins, de définir et d’appliquer un consensus sur le dépistage des infections tuberculeuses latentes et d’engager une réflexion autour du rendement des dépistages actifs.

- Principe n° 2 : définir et mettre en oeuvre le pilotage optimal de la lutte antituberculeuse

Dans le même état d’esprit d’optimiser le fonctionnement de la lutte antituberculeuse, la Mission d’évaluation engage le ministère à mieux définir le contenu du pilotage à effectuer par ses services centraux et à déléguer aux agences régionales de santé le suivi de la lutte contre la tuberculose dans les régions. Il est proposé, pour faciliter les interactions avec les acteurs de terrain, d’établir un partenariat formalisé entre la DGS et le réseau des centres de lutte antituberculeuse.

- Principe n° 3 : doter les différents niveaux d’intervention des moyens nécessaires

Enfin, l’ultime recommandation faite à l’issue de l’évaluation de ce programme a pour objet la transparence des fonds engagés et préconise de mettre en oeuvre une évaluation du coût dela lutte contre la tuberculose en routine.







(1) On parle de « tuberculose maladie » quand elle est active et de « tuberculose latente » lorsqu’elle est inactive.
(2) Article 71 de la loi du 13 août 2004.

 

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